Grand amour ? Romance tragique ? Pas vraiment. Dans « Ombre (Eurydice parle) », la femme de lettres Eurydice tire un bilan impitoyable : ignorée, insignifiante, elle est restée dans l’ombre de son mari – au point de se sentir elle-même devenir ombre. Car Orphée est une popstar : glamoureux, toujours absent, entouré de groupies. Et Eurydice est frustrée. Des enveloppes toujours plus branchées tentent de masquer le vide béant de sa vie – en vain. Et lorsque la mort arrive enfin, c’est une amie et une libératrice pour la femme qui attend, qui a passé son existence dans l’ombre et qui maintenant trouvera (peut-être) la liberté au royaume des ombres.
Elfriede Jelinek, prix Nobel de littérature, caractérise son Eurydice avec cœur et esprit dans « Ombre (Eurydice parle) », monologue créé en 2012. Lors de la création, Johanna Wokalek a su manier la langue puissante et acérée de l’auteur « en éclairant subtilement les idées mais sans plaquer une interprétation réductrice sur le texte » (Deutschlandfunk Kultur, 23 juin 2012). La comédienne a établi à l’occasion sa propre version abrégée du monologue qu’elle a présenté à Essen devant un public conquis.